Clubber et Yogi : pas si différents !
Je ne comprends pas pourquoi on continue à opposer le yoga et la fête. Comme s’ils appartenaient à deux mondes différents. Comme s’ils n’avaient rien à se dire. En réalité, quand on regarde de plus près, ce qu’on vient chercher dans ces deux mondes est finalement assez proche.
La quête d’un même état
Au cœur du yoga, il y a ce besoin de se déposer. De faire taire le bruit du mental. Dans la philosophie du Raja Yoga, Patanjali dit : « Le Yoga commence quand les fluctuations du mental s’arrêtent. »
On traverse les résistances du corps et de l’esprit pour toucher un espace intérieur, vaste, sans tension. On se coupe de toutes les sollicitations extérieures pour créer de l’espace intérieur et laisser émerger cette connexion avec quelque chose de supérieur, de plus grand que soi, jusqu’à ne faire plus qu’un : union en soi, corps et esprit, union entre son âme individuelle et l’universel.
Au cœur de la fête, il y a aussi cette recherche. Pourquoi allons-nous en rave ? On cherche à s’extraire du monde, à se libérer de tout carcan. Un sas où l’on peut s’exprimer et laisser le monde nous traverser. Quand la musique s’installe, quand la nuit avance, quand les basses vibrent sous les pieds, quelque chose cède à l’intérieur. On arrête de penser. On devient le rythme. On devient la foule. On disparaît en tant qu’individu pour ne faire plus qu’un avec ce qui nous entoure.
Dans les deux cas, il s’agit de la même bascule : Celle où l’on n’est plus « un ». Celle où l’on est tout. Sur le tapis ou au premier rang de la nuit.
Deux chemins, deux dérives possibles
Simplement, les chemins empruntés sont différents.
Le yoga invite à l’intériorité. Au silence. À l’alignement. Mais parfois, à force de plonger en soi, on peut finir par se couper du monde. Se réfugier dans une forme d’isolement sous couvert de spiritualité. Il y a plusieurs courants philosophiques dans le yoga mais la plupart invitent à se retirer du monde, à se couper de ses sens, pour ne plonger qu’à l’intérieur, aller vers soi-même, pour y trouver l’infiniment grand. Pleinement présent à l’intérieur de soi… Mais on passe à côté de la vie, de l’autre…
(ndlr : sauf le Tantra, qui n’est pas dans la rétention mais bien dans l’ouverture et la connexion aux autres — et c’est bien pour cela que nous fusionnons Yoga Raja & Tantra dans notre méthode Ecstatic Yoga®. Mais ça, on en parlera dans un prochain article !)
La fête, la vraie, invite à l’expansion. À l’expression, au rassemblement et au lâcher-prise collectif. À la montée euphorique.
Mais parfois, cet abandon peut aussi devenir fuite. Un vertige où l’on s’oublie soi-même dans l’extérieur. Mettons les pieds dans le plat : la limite est fine entre le lâcher-prise vivant et l’autodestruction, comme si la nuit réveillait les démons. La fête est aussi un prétexte, pour beaucoup, de s’annihiler dans tous les vices et substances. Pleinement connecté à l’extérieur de soi… Mais on passe à côté de la vie, en nous…
Des deux côtés, il y a cette limite fragile. Entre l’ouverture et la perte. C’est précisément dans cet entre-deux qu’est né Ecstatic Yoga®. Un espace où l’on peut tout lâcher, sans se perdre. Où l’on traverse pleinement, mais en conscience.
La rave, anti-yoga ?
Je crois que quand on oppose les deux mondes, c’est notamment autour de la notion de spiritualité et de conscience.
Pourtant, cette quête vers le même état, se présenter sur son tapis ou se rassembler dans un club, constitue déjà une forme de rituel.
L’anthropologue Victor Turner définit les rites de passage comme des espaces liminaux : des entre-deux où les repères ordinaires s’effacent, où l’individu quitte temporairement ses rôles sociaux pour traverser une transformation symbolique.
La rave fonctionne selon cette logique : Un espace hors du temps, hors des normes, où la communauté se reforme autrement, sans hiérarchie, sans discours. Une communion profane où la musique devient le langage universel.
Le dancefloor devient un cercle, comme les anciens cercles tribaux. La pulsation répétitive remplace le tambour. La montée sonore construit une trajectoire d’extase progressive. Le stroboscope mime l’altération de la perception temporelle.
Besoin de faire du yoga et de la fête : et si l’on réinventait nos sas d’expression et de libération ?
Rituel, discipline, loisir, pratique, soin… Dans nos sociétés modernes, ces espaces d’exploration sont devenus complexes à nommer et restent figés dans l’action, sans considérer pleinement l’état recherché. Comme le décrit le sociologue Hartmut Rosa, ces nouvelles formes cherchent avant tout à intensifier notre rapport au monde, peu importe le médium ou l’action.
Ressentir plus fort. Être pleinement là. Retrouver un rythme intérieur dans un monde saturé de vitesse, de distractions et d’injonctions productives.
Nous n’avons plus de rituels collectifs inscrits dans nos sociétés occidentales. Tout est individualisé. Alors, nous bricolons des espaces où retrouver cette intensité, sans forcément nous en rendre compte.
Ecstatic Yoga® : un rituel contemporain
Au-delà d’une méthode hybride, je me suis interrogée sur l’espace que je suis en train de créer avec Ecstatic Yoga®.
Une pratique ? Un loisir ? Non. Le mot qui me semble le plus juste est : un rituel.
Un rituel contemporain, laïque, comme une manifestation de célébration, de nettoyage, de traversée. Par le travail du corps, du souffle, sur de la musique électro & techno. Un terrain de jeu que l’on intègre dans son quotidien pour remettre les compteurs à zéro, se rappeler qui nous sommes et pourquoi on est là, renouveler nos énergies et nous connecter à cette fréquence vibratoire extatique.
Ecstatic Yoga® n’est ni une fête, ni une discipline classique. C’est un rituel d’aujourd’hui, qui fusionne de nombreuses inspirations pour activer la créativité intérieure, lâcher complètement prise en étant 100% ancré, et nous reconnecter à ce qui bat en nous. Une manifestation mais aussi une pratique, pour apprendre et intégrer que nous avons tous les outils pour atteindre cet état de lâcher-prise, sans nous perdre, sans nous y perdre. Le tapis de yoga ou le dancefloor du club ne sont que des supports : tout est déjà en nous.
Pratiquer Ecstatic Yoga® régulièrement, c’est nous entraîner à passer d’un monde à l’autre, de la réalité à l’imaginaire, du 100% présent et ancré aux envolées extatiques et transcendantes.
De là se forge un comportement agile, spontané, créatif, une intuition plus développée et surtout mieux écoutée.
Un lâcher-prise heureux et créatif, qui au lieu de nous abandonner, nous amplifie.